INAPTITUDE ET PROPOSITIONS DE RECLASSEMENT : QUAND DOIT INTERVENIR L’AVIS DES DELEGUES DU PERSONNEL ?

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, son employeur est tenu d’une obligation de reclassement1 à son égard. Il doit ainsi lui proposer un autre emploi, approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédent tout en prenant en compte les préconisations du médecin du travail.
Dès lors que l’inaptitude résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la proposition de reclassement doit se faire, après avis des délégués du personnel selon l’article L. 1226-10 al. 2 du Code du travail.
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 16 mars dernier, la question s’est posée de savoir à quel moment devait intervenir l’avis des délégués du personnel lorsque plusieurs propositions de reclassement sont faites successivement. En effet, dans cette affaire, un VRP, victime d’un accident du travail a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. Une première offre de reclassement lui est faite mais il la refuse. L’employeur consulte alors les délégués du personnel pour la première fois, avant de faire une seconde proposition de reclassement qui sera elle aussi rejetée par le salarié.
Pour les juges du fond (première instance et Cour d’appel), la proposition de reclassement doit être faite après l’avis d’inaptitude définitif du médecin du travail et après avis des délégués du personnel. Il en résulte que la consultation des délégués du personnel qui intervient postérieurement à la première proposition de reclassement ne pouvait se substituer à la consultation qui devait impérativement avoir lieu avant la première proposition de reclassement.

Cette interprétation, pourtant logique, du texte de l’article L. 1226-10 va cependant être censurée par la Cour de cassation dans une décision inédite.
En effet, selon la Cour de cassation, l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié […] doit être recueilli après que l’inaptitude du salarié a été constatée et antérieurement à une proposition effective au salarié d’un poste de reclassement.
La Cour de cassation considère ainsi que la consultation des délégués du personnel étant bien postérieure au constat de l’inaptitude, et antérieure à sa convocation à un entretien préalable, l’employeur avait respecté toutes ses obligations.
Il en résulte donc qu’en cas de multiples propositions de reclassement successives, il n’est pas nécessaire que la consultation des délégués du personnel intervienne impérativement avant la première offre de reclassement. L’avis des délégués du personnel peut être recueilli à tout moment, seul important qu’il précède une proposition de reclassement.
Pour autant, cette décision ne doit pas inciter les employeurs à tarder dans la consultation des délégués du personnel car en cas d’acceptation du poste proposé par le salarié alors qu’aucune consultations n’a eu lieu, l’employeur pourra être condamné pour délit d’entrave.
Cass. Soc. 16 mars 2016 n° 14-13 986)]

LICENCIEMENT ECONOMIQUE : L’IMPORTANCE DU PERIMETRE
D’APPRECIATION DES DIFFICULTES ECONOMIQUES

Le projet de loi Travail, prévoit de modifier le régime du licenciement économique afin notamment de restreindre le périmètre d’appréciation des difficultés économiques pouvant justifier un licenciement pour motif économique (voir le dossier dans Cadres CFTC n° 144).
Actuellement, lorsque l’entreprise appartient à un groupe de sociétés, les difficultés économiques doivent être établies au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, sans que soient donc exclues les sociétés situées à l’étranger. Les difficultés d’une société française appartenant à un groupe s’apprécient donc à l’heure actuelle au niveau de l’ensemble des sociétés du groupe –françaises ou étrangères – relevant du même secteur d’activité (c’est-à-dire de la branche d’activité).
L’avant-projet de loi El Khomri prévoit à l’inverse que les difficultés économiques d’une société appartenant à un groupe ne seraient appréciées qu’au niveau du secteur d’activité sur le territoire national. L’avant-projet réduit donc considérablement le périmètre d’appréciation du motif économique pour les filiales des multinationales
en y excluant toutes les entreprises étrangères.
Les conséquences des modifications qu’entend apporter ce projet aux règles actuellement en vigueur sont parfois difficiles à percevoir tant les textes entourant le licenciement économique sont complexes. Un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 18 février dernier illustre pourtant parfaitement les incidences qu’aurait ce projet de loi concernant le licenciement économique.
Dans cette affaire, une salariée d’une cidrerie appartenant à un groupe est licenciée pour motif économique en raison d’une réorganisation afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise suite aux mauvais résultats de la société ou était employée la salariée. Sa lettre de licenciement invoquait en effet des mauvais résultats dans deux des six entreprises de la branche boisson du groupe.
La salariée conteste alors son licenciement et obtient gain de cause car selon la Cour d’appel, les difficultés économiques justifiant la réorganisation afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise doivent s’apprécier au niveau de l’ensemble des six sociétés du groupe relevant du même secteur d’activité. La Cour de cassation confirme la décision et l’absence de motif économique : l’employeur ne rapportait pas la preuve de l’existence de difficultés économiques au niveau du groupe.
On voit donc ici toute l’importance du périmètre d’appréciation des difficultés économiques.
Dans l’affaire en question, toutes les filiales du groupe étaient situées en France. Mais si les quatre autres sociétés étaient situées à l’étranger, les difficultés économiques des deux seules filiales françaises auraient suffis à justifier le licenciement de la salariée, quand bien même les autres sociétés du groupe, appartenant au même secteur d’activité, mais placées à l’étranger, étaient rentables ou accumulaient des bénéfices.
Cass. Soc. 18 février 2016 n° 14-21985)]

DANS QUELLE MESURE PEUT-ON UTILISER TWITTER A DES FINS PERSONNELLES AU TRAVAIL ?

Un salarié, Directeur web d’une entreprise, a été licencié pour faute grave pour avoir notamment eu une utilisation massive de twitter selon son employeur. Le salarié avait émis au minimum 1.336 tweets depuis son entrée en poste 16 mois plus tôt, soit au moins 4 tweets par jours.
La Cour d’appel écarte pourtant ce grief et juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les juges s’appuient d’une part sur l’impossibilité de déterminer précisément l’heure des publications (les tweets n’affichent que la date et non l’heure) mais surtout sur le fait que l’envoi de l’ensemble des 1336 messages correspond en moyenne à moins de 4 minutes par jour (à supposer qu’un tweet requiert 1 minute de rédaction). Enfin, le salarié n’était soumis à aucun horaire et était, du fait de ses fonctions, connecté à Internet de manière quasi continue souligne la Cour d’appel.