• La pension de réversion suppose une union par mariage
  • Convention de forfait jours chez Réunica : déconnexion automatique le soir et le week-end
  • Portage salarial : la QPC de Force Ouvrière renvoyée au Conseil constitutionnel
  • L’appauvrissement des missions et responsabilités du salarié constitue une modification de son contrat
  • Télétravail contractualisé : l’employeur ne peut revenir unilatéralement dessus
  • En bref : une procédure accélérée pour la prise d’acte ?

LA PENSION DE REVERSION SUPPOSE UNE UNION PAR MARIAGE

La pension de réversion a pour objet de compenser la perte de revenus que le conjoint survivant subit du fait du décès de son époux. Elle correspond à une partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé (salarié ou fonctionnaire) et est versée sous certaines conditions au conjoint survivant ou ex-conjoint.
L’article L. 353-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoit en effet qu’en cas de décès de l’assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion. La question s’est posée devant la Cour de cassation de savoir si le principe d’égalité de traitement ne justifiait pas l’attribution d’une pension de réversion au partenaire d’un PACS dont le conjoint est décédé.
Dans cette affaire, une femme pacsée se prévalait auprès de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) d’un droit à pension de réversion du chef de son partenaire décédé. Face au refus de la caisse et au rejet de son recours par la Cour d’appel, elle s’est pourvue en cassation.
La Cour de cassation fait une application stricte de l’article L. 353-1 en réservant le bénéfice de la pension de réversion à une union par mariage. En effet, le mariage, statut civil spécifiquement défini par le législateur peut selon la Cour constituer une raison importante et légitime pouvant justifier une différence de traitement entre couples mariés et couples non mariés. L’option entre mariage et PACS relève du libre choix des intéressés, ces derniers étant informés en toute connaissance de cause que la pension de réversion supposait un mariage et non un PACS.
Cette solution n’est pas nouvelle, le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé dans le même sens à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative aux pensions de réversion dans la fonction publique. Il avait considéré le dispositif comme conforme au principe constitutionnel d’égalité.
Le Conseil d’Etat avait également décidé que les liens juridiques qui unissent les personnes ayant conclu un PACS ont été organisés par le législateur de manière différente, notamment du point de vue de leur intensité et de leur stabilité, de ceux qui existent entre deux conjoints. Partant, époux et partenaires liés à un PACS sont placés dans des situations juridiques différentes ce qui justifie qu’elles ne soient pas traitées dans tous les cas de manière identique.
Soc. 23 janvier 2014 n° 13-11.362

CONVENTION DE FORFAIT JOURS CHEZ REUNICA : DECONNEXION AUTOMATIQUE LE SOIR ET LE WEEK-END

Depuis la loi Aubry II instaurant le passage aux 35h (2000), le système du forfait jours est apparu et permet un décompte du temps de travail en jours plutôt qu’en heures, ce qui a pour conséquence l’exclusion pour les salariés qui y sont soumis de certaines dispositions relatives à la durée du travail (notamment les heures supplémentaires, la durée maximale de 10 heures de travail quotidien, la durée maximale de 48 heures de travail sur une même semaine…).
La généralisation de ce système pour les cadres ainsi que son extension à certains salariés par la loi du 31 mars 2005 a poussé la jurisprudence à encadrer davantage ce dispositif – dangereux pour la santé des salariés – en imposant la signature d’une convention individuelle de forfait constatant l’accord écrit du salarié et surtout en soumettant la validité du forfait à sa reconnaissance et à son encadrement par un accord collectif. Celui-ci doit apporter des garanties concrètes afin d’assurer le respect du décompte effectif des jours et demi-journées travaillées ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
L’employeur de son côté, doit s’assurer du respect des stipulations et des garanties de l’accord (respect du repos quotidien et hebdomadaire,entretien annuel individuel sur la charge de travail, articulation entre vie professionnelle et vie personnelle…).
C’est dans cette optique qu’a été signé fin janvier chez Réunica un accord collectif précisant les garanties offertes aux salariés en forfait jours afin de préserver leur santé physique et mentale et de garantir la conciliation de leurs temps de vie professionnelle
et personnelle.
Pour se faire, l’accord prévoit « la fermeture des messageries électroniques de 20h à 7h et le weekend (du vendredi 20h au lundi 7h) ». Le texte part du constat – partagé par la CFTC Cadres – que tout collaborateur a droit au respect de son temps de repos et de sa vie privée, notamment par un usage limité des moyens de communication technologiques. Celles-ci constituent en effet « des facteurs de risques psychosociaux » et il est rappelé qu’un collaborateur « n’a pas à envoyer des courriels pendant une période de suspension du contrat de travail (congés payés, arrêt maladie, RTT…) et n’a pas à répondre aux courriels pendant la période de fermeture des messageries électroniques ou envoyés par un collaborateur en suspension de contrat de travail ». Grâce à ce système, les détenteurs d’un Smartphone
d’entreprise ou d’accès sécurisés via Webmail ne recevront plus de courriers électroniques durant leur repos journalier. S’ils peuvent toujours en émettre, leurs destinataires ne les recevront qu’à la réouverture, à 7h.
Un volet du texte est également consacré au suivi du temps de travail des salariés au forfait jours. Il est réjouissant d’y lire que les durées et amplitudes maximales de travail (amplitude de la journée de travail de 13h, durée journalière de travail ne devant pas dépasser 10h, durée hebdomadaire de travail ne devant pas dépasser 48h)
« ne doivent en aucun cas être considérées comme une amplitude et une durée normale de travail ». Dans le même sens, les signataires indiquent que la charge de travail « ne peut rester chroniquement et anormalement élevée au niveau d’un service ».

PORTAGE SALARIAL : LA QPC DE FORCE OUVRIERE RENVOYEE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par Force Ouvrière (FO) a été renvoyée par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel qui devra donc l’examiner dans un délai de 3 mois.
Par cette QPC, FO conteste la conformité de l’article 8 de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail qui confiait à la branche du travail temporaire (dont l’activité est considérée comme la plus proche du portage) la négociation et l’organisation du portage salarial côté patronal. Cette solution avait été actée dans
l’article 19 de l’ANI du 11 janvier 2008 (« la branche du travail temporaire organisera, par accord collectif étendu, la relation triangulaire »), pour pallier à l’absence d’interlocuteur représentatif côté patronal, et surtout, avait été signé par FO !
Selon la QPC, les dispositions confiant la mission d’organiser le portage salarial par un accord de branche étendu, non pas aux organisations d’employeurs représentatives dans le champ d’application de l’accord (organisations
d’employeurs qui n’existaient pas encore !), mais à celles d’une branche concurrente (le travail temporaire), porte une atteinte inconstitutionnelle au droit de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail ainsi qu’à leur liberté syndicale (alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre
1946).
Soucieuse de voir la pratique du portage salarial encadrée au plus vite, la CFTC Cadres déplore l’action menée par FO – même si nous respecterons la décision qui en découle – et regrette que cette attitude se fasse au détriment des portés qui
voyaient enfin émerger un statut protecteur.
Conseil d’Etat, décision du 6 février 2014 n° 371062 QPC 2014-388

L’APPAUVRISSEMENT DES MISSIONS ET RESPONSABILITES DU SALARIE CONSTITUE UNE MODIFICATION DE SON CONTRAT

C’est un cas un peu particulier de modification des fonctions du salarié qui a été jugé par la Cour de cassation le 29 janvier 2014. Dans cette affaire, la modification ne résultait pas de l’intervention de l’employeur mais de la résiliation d’importants contrats commerciaux provoquant pour le salarié un réel appauvrissement de
ses missions et de ses responsabilités.
En effet, l’entreprise de courtage d’assurances et de réassurance qui l’employait venait de subir une perte de clientèle provoquant pour le service de ce cadre, chargé de clientèle, une très importante diminution du chiffre d’affaire (6 millions d’euros). Cette perte de clientèle a eu pour conséquence l’altération des missions du salarié qui a vu son activité s’effondrer et son poste se vider de sa substance.
L’employeur arguait dans son pourvoi que la modification du contrat de travail de son cadre était la conséquence de la décision d’un tiers et par conséquent ne lui était pas imputable.
Vigilante, la Cour de cassation rejette son pourvoi et rappelle que le fait d’altérer le niveau de responsabilité du salarié s’analyse en une modification unilatérale du contrat imputable à l’employeur et non à un tiers.
Soc. 29 janvier 2014 n°12-19.479

TELETRAVAIL CONTRACTUALISE : L’EMPLOYEUR NE PEUT REVENIR
UNILATERALEMENT DESSUS

Nous avons vu le mois dernier, à l’occasion d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 décembre, l’importance de formaliser le travail à domicile par un avenant formel au contrat de travail. Un nouvel arrêt relatif au télétravail vient confirmer l’importance de la « contractualisation » du lieu de travail, surtout lorsqu’il a lieu au domicile du salarié.
En l’espèce, une salariée avait été engagée avec la possibilité d’exécuter son travail à domicile puisqu’une clause du contrat prévoyait que ses fonctions « s’exerceront dans un établissement de l’agence à Paris ou à Fontenay-sous-Bois, ou à son domicile ». Après quatre mois de télétravail, son employeur la somme de rejoindre l’établissement de Fontenay-sous-Bois, considérant qu’il ne s’agissait pas d’une modification de son contrat de travail nécessitant son accord mais d’un simple changement des conditions de travail. Face au refus catégorique de la salariée, mère célibataire de deux enfants, l’employeur prononce son licenciement.
En matière de lieu de travail, la jurisprudence considère traditionnellement que la mention du lieu de travail dans le contrat n’a qu’une valeur informative, à moins que le contrat stipule de manière claire et précise que le salarié exercera son activité uniquement dans le lieu mentionné. En l’espèce, la Cour de cassation va trancher en faveur de la salariée en rappelant le principe selon lequel lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié. Dès lors que la possibilité de travailler à domicile a été
contractualisée, soit dès le départ dans le contrat de travail, soit grâce à un avenant à celui-ci, seul un accord des deux parties permet de revenir sur cette « organisation contractuelle du travail ».
Pour la CFTC Cadres, cette décision ne peut qu’être saluée compte tenu de la nécessaire protection de la vie privée du salarié et de sa vie familiale. Le domicile conserve son caractère privé malgré le télétravail. Ainsi l’employeur ne peut y pénétrer sans l’accord du salarié. En cas de proposition de télétravail de l’employeur, le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail. Son refus ne pourrait être un motif de licenciement ou de rupture et en cas d’acceptation, l’employeur doit l’indemniser de la sujétion constituée par l’utilisation d’une partie de son domicile pour les besoins de son activité professionnelle et prendre en charge les frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile. Enfin, le respect de la vie privée du télétravailleur nécessite de fixer, en concertation entre le salarié et son employeur, les plages horaires durant lesquelles il peut être contacté.
Soc. 12 février 2014 n° 12-23.051

EN BREF : UNE PROCEDURE ACCELEREE POUR LA PRISE D’ACTE ?

Les députés ont adopté en commission des affaires sociales une proposition de loi visant à encadrer la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes (CPH) dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture par le salarié. Ce texte impose aux CPH de se prononcer dans le délai d’un mois lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail.
Le but de la proposition de loi est de sécuriser la situation du salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail et se retrouve ainsi sans salaire ni indemnité de chômage tant que le juge n’a pas statué sur sa situation.