LE RETRAIT D’UN VEHICULE DE FONCTION JUSTIFIE UNE PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE

Un arrêt de la Cour de cassation, en date du 16 décembre dernier, vient rappeler que lorsque l’attribution d’un véhicule de déplacement revêt une importance déterminante pour le salarié, l’employeur ne peut lui retirer ce qui constitue un avantage en nature et donc un élément de rémunération.
Dans cette affaire, un salarié s’était vu attribuer un « véhicule de déplacement » en raison de l’éloignement de son domicile. Suite à une promotion, son employeur lui impose de restituer le véhicule, en contrepartie d’une augmentation de salaire de 80 € mensuel, ce qui pousse le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Pour les juges du fond, la prise d’acte est justifiée et doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, l’employeur avait manqué à ses engagements contractuels en retirant le bénéfice du véhicule de fonction sans l’accord du salarié. La Cour de cassation confirme logiquement cette solution. En effet, la mise à disposition permanente d’un véhicule fourni par l’employeur constitue un avantage en nature qui doit être intégré dans l’assiette des cotisations.
La CFTC Cadres vous rappelle que pour que la mise à disposition d’un véhicule de l’entreprise soit considérée comme un avantage en nature pour le salarié, il faut que celui-ci puisse en faire un usage à titre privé de manière permanente. Concrètement, cela signifie que le salarié peut l’utiliser pendant les week-ends ou les vacances. En général, l’entretien courant du véhicule est à la charge du salarié alors que les réparations importantes restent à la charge de l’entreprise.
La CFTC Cadres tient également à vous rappeler que cet avantage, qu’il soit inscrit dans le contrat ou non, constitue un élément de rémunération qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié.
Cass. Soc. 16 décembre 2015 n° 14-19794

OBLIGATION DE SECURITE : LA RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR N’EST PAS ATTENUEE PAR LE MANQUEMENT DU SALARIE

Dans cette affaire, une consultante à qui l’on demandait occasionnellement de faire quelques déplacements, devait pendant deux ans pour les besoins de sa mission, partager son temps de travail entre Paris et Marseille. Au bout de quelques mois, elle informe son employeur des répercussions sur sa vie personnelle et de la dégradation de son état de santé en raison des multiples trajets et du rythme de travail soutenu qu’ils engendrent.
Face à l’inertie de sa direction et suite à de nombreux arrêts maladie, la salariée demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail au tort de son employeur, ce que la Cour d’appel lui accorde. En revanche, alors qu’elle demandait 10.000 € de dommages-intérêts, elle n’en reçoit que 1.000 € en réparation du manquement à l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur tout employeur. La Cour d’appel avait réduit cette indemnisation, compte tenu de la propre attitude de la salariée, laquelle a elle-même concouru à son dommage. En effet, si la salariée s’était plainte de sa situation, des échanges de mails montrent qu’elle était prête à passer outre en échange d’une compensation financière.
Pour la Cour de cassation, ce raisonnement doit être censuré : les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur. Dès lors que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat1 est avéré, la Cour d’appel n’aurait
pas dû prendre en compte le comportement du salarié ayant concouru au dommage. La faute du salarié ou son comportement ne peut jamais atténuer la responsabilité qui pèse sur l’employeur. S’il incombe aux salariés de prendre soin, en fonction de leur formation et selon leur possibilités de leur santé et de leur sécurité ainsi que de celles des autres, le dernier alinéa de l’article L. 4122-1 précise bien que ces dispositions
sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur.
Cass. Soc. 10 février 2016 n° 14-24350

VOTRE MESSAGERIE PERSONNELLE EST PROTEGEE, MEME SI VOUS LA CONSULTEZ DEPUIS UN ORDINATEUR PROFESSIONNEL

Depuis le célèbre arrêt Nikon2, les salariés se sont vu reconnaître par la Cour de cassation le droit au respect de l’intimité de leur vie privée, même au temps et lieu de travail, ce qui s’exprime notamment par le respect au travail du secret des correspondances. Il en découle pour l’employeur, l’interdiction de prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à l’outil informatique mis à sa disposition pour son travail et la nécessité pour les salariés d’identifier par la mention personnel ces correspondances.
Pour autant, la protection de la vie privée des salariés et de leurs correspondances personnelles doit s’articuler avec le pouvoir de direction de l’employeur et la présomption de caractère professionnel des courriels adressés ou reçus par le salarié sur sa messagerie professionnelle qui autorise l’employeur à accéder à ces
messages (sauf s’ils portent la mention personnel ou perso ou encore privé).
L’affaire portée devant la Cour de cassation concerne ici le cas particulier de courriels provenant de la messagerie personnelle d’une salariée mais qui se sont retrouvés sur son ordinateur professionnel et ont été utilisés à son encontre dans le cadre d’un contentieux.
La Cour de cassation, qui constate que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée, distincte
de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, en déduit que ces messages devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances.
Par cet arrêt, la Cour de cassation pose donc une frontière assez nette entre la messagerie professionnelle dont tous les messages non identifiés comme étant personnels sont présumés professionnels, et la messagerie personnelle du salarié, qui ne peut faire l’objet d’aucune intrusion ou utilisation de la part de l’employeur
et qui relève du secret des correspondances, même si le salarié la consulte depuis son
ordinateur professionnel.
La CFTC Cadres tient à vous rappeler que les outils technologiques de l’information et de la communication (TIC) fournis par votre employeur pour les besoins de votre travail sont présumés avoir un caractère professionnel. Concrètement,
cela signifie que votre employeur est en droit de les consulter en dehors de votre présence, sauf s’ils ont été identifiés comme étant personnels. Cela vaut pour les SMS (voir Lettre des Cadres n° 111, février 2015), les courriels,
les documents présents sur le disque dur de votre ordinateur professionnel, ou tout simplement pour les documents dans le tiroir de votre bureau.