La Cour de cassation a progressivement durci les conditions de la prise d’acte et celle-ci n’est plus automatiquement justifiée en cas de harcèlement moral. En effet, les Sages exigent que le harcèlement subi par le salarié rende impossible la poursuite de son contrat de travail[1], pour que la prise d’acte soit justifiée. Concrètement, cela signifie que si l’employeur a pris les mesures nécessaires (en général l’ouverture d’une enquête et une mesure d’éloignement) immédiatement après avoir eu connaissances des faits de harcèlement, la prise d’acte ne sera pas justifiée.

Un arrêt de la Cour de cassation, en date du 8 juillet dernier, nous donne l’exemple d’un employeur qui a trop tardé à prendre les mesures nécessaires suite à un harcèlement, justifiant ainsi la prise d’acte du salarié ayant subi des actes de harcèlement.

La victime avait signalé à son employeur des faits de harcèlement moral (violence s’exprimant par des menaces, des hurlements et des coups sur les meubles) avant de prendre un congé maternité suivi d’un congé parental. Avant la fin de son congé, elle décide finalement de démissionner, invoquant dans sa lettre de démission les violences la poussant à quitter l’entreprise. Cette démission – fortement équivoque – sera finalement requalifiée en prise d’acte que la Cour de cassation va considérer comme justifiée.

Pour la Cour de cassation, l’employeur, bien qu’informé de tels faits n’avait pris au jour de la rupture aucune mesure pour les faire cesser. Elle ajoute que la salariée pouvait légitimement craindre la perpétuation des agissements de harcèlement moral lors de son retour dans l’entreprise où l’auteur du harcèlement pouvait toujours se manifester puisque l’employeur ne s’était pas encore décidé de le licencier. Dans ces conditions, la poursuite de la relation contractuelle était rendue impossible et la crainte de la salariée victime d’être de nouveau confrontée à un harcèlement justifie la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement aux torts de l’employeur.

La CFTC Cadres approuve cette décision car il incombe à tout employeur, dès lors qu’un harcèlement moral est révélé ou signalé, de remédier immédiatement à la situation en mettant à l’écart le harceleur. La simple survenance d’un harcèlement constitue toujours un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et, selon la jurisprudence récente, seule la question de savoir si ce manquement empêche la poursuite du contrat doit se poser dans le cadre d’une prise d’acte.