Fédération Générale CFTC des Fonctionnaires

N° 283 – Le 2 janvier 2006

Complémentaire santé et mutualité une nouvelle donne nécessaire

Certaines mutuelles s’étonnent des conséquences sur leurs finances d’un arrêt du Conseil d’Etat du 26 septembre 2005 visant à abroger les modalités actuelles du système des aides publiques accordées à certaines mutuelles. Des pétitions et des tracts alarmistes circulent auprès des agents afin de contester les dangers d’une telle décision pour l’avenir de la mutualité dans la fonction publique. A cette occasion, des dirigeants de mutuelles n’hésitent pas à mettre en cause directement la CFTC ainsi que la CGC.

Rappel des faits

La Mutualité de la Fonction Publique (MFP) regroupe 29 mutuelles de fonctionnaires. Les principales mutuelles affiliées à la MFP sont : la MGEN (éducation nationale)-1.660.000 cotisants, la MG (poste)-702.000 cotisants, la Mutuelle des personnels de santé-505.000 cotisants, la mutuelle nationale territoriale-350.000 cotisants.

Au total, sur 7,3 millions d’agents de la Fonction publique actifs et retraités, les mutuelles relevant de la MFP représentent 4,65 millions d’adhérents.

Un rapport de la Cour des comptes de 2002 dénonçait l’opacité des subventions accordées aux mutuelles affiliées à la MFP et un manque de suivi.

Le Conseil de la concurrence, dans un avis du 31 décembre 2003 a considéré que la MFP se trouvait placée en situation d’abuser de sa position dominante sur le marché des prestations sociales de l’Etat accordée aux agents publics. En effet, un décret du 27 avril 2001 confie à titre exclusif à la MFP la gestion des prestations suivantes : chèques vacances, prêts à l’installation, aide-ménagère à domicile des retraités, aide à l’amélioration de l’habitat. Cette délégation de gestion a fait l’objet d’importantes contreparties. Le Conseil de la concurrence considère notamment que ce système conduit à une confusion entre les prestations sociales de l’Etat et les prestations mutualistes, favorisant de fait la MFP par rapport aux autres mutuelles. En outre, cette confusion s’étend aux coûts de gestion des mutuelles.

Une recommandation de la Commission européenne du 20 juillet 2005 affirme que « le soutien de l’Etat en faveur de la Mutualité de la Fonction Publique et de ses mutuelles n’est plus à considérer comme étant compatible avec l’évolution du marché commun ». La Commission demande, notamment « qu’il soit établi au sein de la MFP et de ses mutuelles adhérentes une comptabilité analytique permettant d’affecter les coûts et les produits selon qu’ils relèvent de la gestion des prestations obligatoires, de la gestion d’œuvres sociales, ou de la gestion de l’assurance complémentaire de la MFP et de ses mutuelles membres ». A cet égard, la Commission précise « une telle aide pourrait être compatible….si elle était octroyée sans distinction quant à l’organisme choisi pour la prestation d’assurance complémentaire ».

Un arrêt du Conseil d’Etat du 26 septembre 2005, sur requête de la Mutuelle Générale des Services Publics (MGSP), enjoint au gouvernement d’abroger l’article R.523-2 du code de la mutualité, dans un délais de 6 mois. Ce texte stipulait : « L’Etat peut accorder aux mutuelles constituées entre les fonctionnaires agents et employés de l’Etat et des établissements publics nationaux des subventions destinées notamment à développer leur action sociale et, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la Mutualité et du ministre chargé des Finances, à participer à la couverture des risques sociaux assurée par ces mutuelles ». La décision du Conseil d’Etat est motivée par une différence de traitement entre les mutuelles, contraire au principe d’égalité devant le service public. En effet, l’Etat n’accorde des subventions qu’aux mutuelles exclusivement constituées de fonctionnaires et d’agents de l’Etat et des établissements publics, à l’exception des mutuelles accueillant également d’autres catégories d’adhérents.

L’article 114-26 du Code de la mutualité, modifié par la loi du 13 août 2004 portant réforme de la sécurité sociale, met fin aux mises à disposition de personnels. Seuls les élus peuvent bénéficier de facilités de service, une convention devant cependant modifier les modalités de reversement des traitements des personnels mis à disposition (passage en position de détachement).

Une évolution nécessaire

D’abord rétablir la vérité. Dans certains tracts syndicaux ou mutualistes, la CFTC et la CGC sont mises en cause. Elles mèneraient des actions en vue de supprimer les aides accordées par l’Etat aux mutuelles de la Fonction publique pour les affaiblir. Ceci est inexact. Le Conseil d’Etat, au vue du principe d’égalité de traitement, des directives communautaires et sur requête de la MGSP a rendu un arrêt. En son temps, le conseil de la concurrence avait rendu un avis allant dans le même sens auquel le gouvernement n’avait pas donné suite.

La CFTC ne mène pas une action destinée à affaiblir la mutualité. Bien au contraire, elle souhaite que le mouvement mutualiste continu et se renforce. Contrairement à ce qui est colporté par certains organismes, le principe des aides publiques n’est pas remis en cause. En revanche, le système actuel n’est pas acceptable et doit être entièrement remis à plat. Les adhérents des mutuelles sont en droit d’exiger une transparence sur l’utilisation de ces subventions.

Il est à noter que le président de la MFP, Maurice DURANTON, se montre très optimiste sur les suites de la décision du Conseil d’Etat à laquelle il s’attendait (Les Echos du 29 septembre 2005). Il y voit une occasion de renégociation et de mise à plat du dispositif d’aide aux mutuelles de la fonction publique. Celui-ci évalue à 89 millions d’euros le montant des subventions accordées aux mutuelles affiliées à la MFP et donne l’exemple de la MGEN qui percevrait 15 millions d’euros, soit à peine 1,5% des cotisations des adhérents. Ce chiffre ne prend pas en compte les salaires des agents mis à disposition des mutuelles de même que les locaux et moyens matériels……

Quelle évolution ?

Une pétition lancée en 2005 par la MFP demandait un investissement plus important de l’Etat dans le financement de la protection sociale. Le texte de cette pétition était très laconique. Il semble que la MFP souhaite privilégier un système de déduction fiscale des cotisations qui s’accompagnerait d’abondements de la part de l’Etat et de la constitution d’un contrat-groupe dans la fonction publique.

La proposition d’une déduction fiscale paraît, a priori, intéressante mais se heurte à des difficultés, telles que son coût élevé pour les finances publiques et son caractère socialement injuste. En outre, la situation des agents exonérés d’impôts sur le revenu serait difficile à gérer (transformation d’un crédit d’impôt en complémentaire santé).

Dans ce contexte, la FGF CFTC milite pour la création d’un « titre santé prévoyance » dans la fonction publique . Il s’agit d’une aide individualisée, modulable, attribuée à tous les agents actifs et retraités pour acquérir leur complémentaire santé prévoyance. Une telle formule préserve la liberté de choix de chaque agent (30% des agents ne sont pas adhérents aux mutuelles de la MFP). Son financement pourrait être assuré par le transfert des subventions actuellement perçues par les mutuelles.

La FGF CFTC constate qu’il existe actuellement une injustice choquante entre les fonctionnaires et les salariés du privé, dont la protection sociale complémentaire est partiellement ou totalement prise en charge par les employeurs.

Le mouvement mutualiste dans la fonction publique est-il prêt à évoluer ?

Pour la FGF CFTC, le choix en matière de complémentaire santé relève du libre-arbitre de chacun et doit être accessible à tous les agents de la fonction publique.

Ce qui n’est pas le cas actuellement. Voilà le sens de notre démarche.