Le texte est prêt, le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 18 septembre et débattu au Parlement à partir du 7 octobre.
Après des semaines de concertation et de travail gouvernemental, l’exécutif a transmis, jeudi 5 septembre, son « projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » au Conseil d’Etat et aux caisses de Sécurité sociale, qui doivent donner leur avis .
Il comprend 33 articles. Projet de loi de la réforme des retraites 2013 en date du 5 septembre 2013
Les hausses de prélèvements (cotisations, suppressions de niches fiscales…) seront détaillées dans les projets de loi budgétaires, présentés à la fin du mois.

43 ans de cotisation en 2035

La durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite complète est fixée à 41 ans et trois trimestres pour les personnes nées entre 1958 et 1960. Elle augmente ensuite d’un trimestre tous les trois ans, jusqu’à 43 annuités pour les assurés nés à partir de 1973.

Le pouvoir d’achat des retraités amputé

A partir de l’an prochain, les pensions des retraités ne seront plus revalorisées le 1er avril mais le 1er octobre. Ce décalage de six mois, destiné à faire des économies, ne concernera pas le minimum vieillesse. Celui-ci continuera à être revalorisé en avril.

La pénibilité prise en compte

Le texte de loi met en place un « compte personnel de prévention de la pénibilité » dans le secteur privé (les « emplois régis par le droit public » en sont explicitement exclus). L’exposition à des facteurs de risque professionnel (travail de nuit, postures pénibles, produits chimiques dangereux…) « ouvre droit à l’attribution de points ». Le salarié peut utiliser ces points pour payer une formation « dans la perspective d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité », pour financer un temps partiel mieux rémunéré ou encore pour obtenir une majoration de durée d’assurance pour la retraite. Les barèmes seront fixés par décret. Des bonifications sont prévues pour les salariés qui sont très proches de la retraite (ils doivent avoir au moins 59 ans et demi lors de l’entrée en vigueur du compte pénibilité).

…et financée par deux cotisations

Deux cotisations des employeurs, dont les niveaux seront définis par décret, financeront la prise en compte de la pénibilité. La première sera prélevée sur toutes les entreprises, sur la base de leur masse salariale. La seconde sera établie en proportion des salaires versés aux seuls salariés exposés à la pénibilité. Le compte pénibilité et les cotisations entrent en vigueur le 1er janvier 2015.

Le temps partiel mieux pris en compte

Les petits temps partiels seront mieux pris en compte pour le calcul de la retraite. Il faudra cotiser 150 heures au SMIC pour valider un trimestre, au lieu de 200 heures aujourd’hui. La loi renvoie à un décret sur ce point. Les périodes d’apprentissage et de formation des chômeurs seront elles aussi comptabilisées de façon plus favorable.

Un comité pour piloter le système

La loi instaure un « comité de surveillance » composé de cinq personnalités. Il rendra un rapport tous les ans analysant la situation comparée des hommes et des femmes en matière de retraite et indiquera s’il estime que le système de retraite « s’éloigne de façon significative » de ses objectifs (équité, niveau de vie des retraités, emploi des seniors, pérennité financière…). Si c’est le cas, il remettra des recommandations au gouvernement et au parlement. Par ailleurs,  « tous les ans, le gouvernement organise avec les organisations syndicales de fonctionnaires un débat sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique ».

Par cotre le projet de loi de réforme des retraites , que le gouvernement va transmettre aux caisses de Sécurité sociale, ne contient aucune mesure précise sur les droits familiaux, alors que ce devait être une partie conséquente (avec la pénibilité). L’exécutif a décidé de se donner du temps, renvoyant aux travaux d’une mission et au dispositif de pilotage des régimes. Concrètement, rien ne sera mis en œuvre avant 2020, hormis la fiscalisation des majorations de 10 % dont bénéficient les retraités ayant eu au moins trois enfants.

Les aléas de carrière liés aux enfants
Si le gouvernement temporise, c’est que le sujet est sensible. Les droits familiaux sont censés corriger, au moment de la retraite, les aléas de carrière liés aux enfants. Aussi anciens que la Sécurité sociale, ils concernent toutes les mères de famille, et aussi une bonne partie des pères, et représentent une dépense de 12 milliards d’euros par an.

Certes, un principe reste avancé : les bonifications de pension de 10 % dont bénéficient les retraités qui ont eu trois enfants ou plus seront refondues « afin qu’elles bénéficient davantage aux femmes et qu’elles puissent intervenir dès le premier enfant », a annoncé la semaine dernière Jean-Marc Ayrault. Mais pas tout de suite et pas dans le cadre de cette réforme : les règles en vigueur ne seront pas modifiées pour les personnes qui sont déjà retraitées, ni pour les assurés qui prendront leur retraite d’ici à 2020.

Surtout, l’Elysée et Matignon hésitent sur la marche à suivre. La piste d’une suppression totale de la majoration pour les hommes a été abandonnée. Elle « sera progressivement plafonnée et transformée en majoration forfaitaire par enfant », a expliqué le Premier ministre. De quel montant ? En juillet, Marisol Touraine avait évoqué un forfait de 70 euros par enfant et par mois. En réalité, rien n’est arbitré. Tout dépendra du niveau fixé pour le plafond, car ce sont les économies dégagées qui financeront le forfait.

Autre sujet en suspens, les majorations de durée d’assurance accordées aux mères (deux années de cotisation « offertes » par enfant). Le rapport Moreau plaidait pour leur réduction, ce qui permettrait de consacrer un budget plus important au nouveau forfait. Mais, comme l’explique la ministre des Droits des femmes , l’exécutif renâcle à s’aventurer sur ce terrain, de peur de pénaliser les femmes âgées aujourd’hui de 40 à 50 ans. Le texte de loi ne touche pas non plus à l’assurance-vieillesse des parents au foyer (AVPF), qui permet de comptabiliser pour la retraite les années que les parents ont passées au foyer pour élever leurs enfants. Le rapport Moreau suggérait de le recentrer sur les jeunes enfants.

Dans l’immédiat, le gouvernement met en avant d’autres mesures, de moindre ampleur, qui visent à réduire les inégalités de pension entre les sexes, en particulier la meilleure prise en compte des petits temps partiels.