Protection complémentaire santé Première réunion le 8 février

Les modalités actuelles d’intervention de l’Etat en faveur des mutuelles auxquelles adhèrent ses personnels (subventions, mise à disposition d’agent et prêts de locaux) sont désormais remises en cause tant sur le plan du droit interne que sur celui du droit communautaire (voir TamTam n°283). Pour tirer les conséquences de ces remises en cause et aller dans le sens d’une couverture de l’ensemble des agents de la fonction publique de l’Etat, une première réunion de travail s’est tenue le 8 février à la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique pour faire un point juridique et rechercher des pistes nouvelles.

La situation juridique sur le plan national

Par une décision du 26 septembre 2005, le Conseil d’Etat a enjoint à l’Etat d’abroger, dans un délais de six mois, l’article R. 523-2 du code la mutualité et l’arrêté interministériel qui servaient de fondement légal au versement des subventions.

Le Conseil d’Etat s’est appuyé sur le principe d’égalité. Il a estimé qu’il n’existait pas de différence objective de situation entre les agents adhérant à des mutuelles exclusivement constituées d’agents de l’Etat et des établissements publics nationaux et les agents qui adhérent à des mutuelles accueillant des adhérents relevant de d’autres origines.

La situation juridique sur le plan communautaire

La Commission européenne a adressé à la France, le 22 juillet 2005, une recommandation concernant les aides d’Etat versées à la Mutualité Fonction Publique (MFP) qu’elle considère comme non compatibles avec le marché commun. Elle a demandé l’adoption de cinq mesures pour se mettre en conformité avec le droit communautaire :
• Etablissement d’une comptabilité analytique.
• Limitation des remises de gestion aux montants qui apparaîtront dans cette comptabilité analytique.
• Exclusion de toute aide aux activités d’assurance complémentaire. Toutefois cette aide pourrait être faite dans la mesure où celle-ci est octroyée sans distinction quant à l’organisme choisi pour la prestation d’assurance complémentaire.
• Mettre fin à la situation selon laquelle l’accès aux œuvres sociales subventionnées est réservé aux seuls adhérents des mutuelles.
• Garantir que la mise à disposition de fonctionnaires d’Etat ou de locaux soit dûment évaluée et identifié.

Non-discrimination et concurrence

La Commission européenne estime que les services d’assurance complémentaire santé sont des produits. En conséquence, le système mis en place devra :
• Ne pas procurer un avantage sélectif.
• Ne saurait inclure une participation financière de l’Etat à l’assurance complémentaire de ses agents que si celle-ci peut être, en droit, justifiée au regard du Traité CE.

Sur cette deuxième exigence, une aide de l’Etat aux mutuelles serait conforme au droit communautaire si :
• L’aide est justifiée parce que les financements publics ne sont qu’une compensation des surcoûts liés à l’exercice d’une mission d’intérêt économique général.
• L’aide n’est qu’une compensation des coûts supportés par une entreprise chargée de l’accomplissement d’un service économique d’intérêt général.
• L’aide est une aide à caractère social, octroyée aux consommateurs individuels sans discrimination sur l’origine du produit.

Les conséquences de l’arrêt Altmark relatif aux aides publiques

Cet arrêt semble permettre de faire échapper les aides publiques versées à un opérateur à la qualification d’aide d’Etat si quatre critères sont réunis :
1. L’entreprise a été chargée de l’exécution d’obligation de service public ;
2. Le calcul de la compensation a été établi sur le fondement de règles objectives et transparentes ;
3. La compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public ;
4. Le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne aurait encouru pour exécuter ces obligations.

Il s’agit d’une jurisprudence exigeante puisque les quatre critères doivent être cumulativement remplis.

L’article 86.2 du traité CE concernant les dérogations en faveur des SIEG

Les entreprises chargées de la gestion des services économiques d’intérêt général (SIEG) peuvent, sous deux conditions, faire l’objet d’une compensation financière :
• Que l’entreprise concernée ait été chargée de la gestion d’un service par acte exprès de la puissance publique (contrat, acte unilatéral individuel, législatif ou réglementaire).
• Que la mission présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités de la vie économique.

Si, il semble que les Etats membres disposent d’une grande marge d’appréciation dans la définition des services d’intérêt économique général, il paraît difficile de qualifier les prestations d’assurance complémentaire comme une mission sociale essentielle du fait qu’il n’y a pas d’obligation d’adhésion (CJCE, 10 décembre 1991 et 21 septembre 1999)

Pour ce qui concerne la participation financière de l’Etat, il faudra démontrer que son intervention est bien nécessaire et proportionnée. La justification de la proportionnalité de l’aide suppose que l’on soit capable de démontrer l’absence de surcompensation, ce qui implique l’identification des coûts engendrés par l’accomplissement de la mission d’intérêt général confiée aux organismes complémentaires. Cette évaluation pose des problèmes techniques très complexes puisqu’elle implique de procéder à des calculs de type actuariel.

L’article 87 paragraphe 2 sous a) du traité CE concernant les aides.

Sont visées certaines réductions de prix ou l’octroi d’avantage accordés à certaines personnes en raison de leur situation économique ou sociale.

Une aide de l’Etat employeur à la protection sociale complémentaire de ses agents pourrait être possible si celle-ci est octroyée sans distinction quant à l’organisme choisi. Cette aide pouvant être accordée soit directement aux agents ou aux organismes assureurs à condition que les agents bénéficient in fine intégralement de l’aide versée.

Trois questions restent ouvertes :

• Comment définir le caractère social de l’aide (effet redistributif, niveaux de ressources) ?
• Est-il possible de réserver l’aide à des organismes satisfaisant à des critères sociaux fondés sur des principes de solidarité ?
• La procédure de sélection de ces organismes peut-elle prendre la forme d’un appel d’offre ? Dans le cas d’un appel d’offre, il sera difficile de soutenir que l’aide est attribuée à l’individu alors qu’elle l’est, dans les faits, à la structure attributaire.

Construire l’avenir

Contrairement à ce qui est colporté par certains organismes, le principe des aides publiques n’est pas remis en cause mais celles-ci doivent se faire sous une nouvelle forme compatible avec le droit communautaire.

Lors de cette première réunion, la CFTC a indiqué, d’une part, qu’elle souhaitait que le mouvement mutualiste se renforce sur la base d’une solidarité inter-générations et constaté, d’autre part, qu’il existe actuellement une injustice choquante entre les fonctionnaires et les salariés du privé, dont la protection sociale complémentaire est partiellement ou totalement prise en charge par les employeurs.

Enfin, le système actuellement en vigueur dans la fonction publique doit être entièrement remis à plat afin de ne pas laisser sur le bord de la route 30% de ses agents.

C’est sur ses bases que doit se construire la protection sociale complémentaire santé.